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Maladie rare de la peau :
Un chemin escarpé et des montagnes russes sans cesse à gravir !

Notre vie est semblable aux sables mouvants alors nous avançons tels de vrais aventuriers de la vie. Nous mettons un pas l’un devant l’autre avec prudence, avec un cadre à adapter en permanence, une vie à réinventer tout le temps, ponctuée de repères si anodins et qui pourtant, dans cette situation, prennent toutes leur place.

Douleurs et cris entremêlés  au quotidien

La violence de la douleur s’invite dans les moindres recoins de la vie de Charles et en même temps dans la nôtre. Avec la nécessité de s’y coller, de s’y frotter, de l’entendre arriver, de l’écouter s’installer. Elle s’infiltre partout et presque toujours de manière inattendue, par surprise !
La douleur nous parvient toujours par un cri : un cri strident, un cri puissant, un cri sans fin. Ce cri brise brutalement le silence de notre quotidien ou alors s’invite à la joie du moment présent comme pour tout gâcher. Après un bref instant de stupéfaction, quelques secondes de sidération, alors notre énergie nous déplace et nous permet d’aller chercher la morphine. Dans l’agitation avec la peur au ventre et des tensions palpables dans les épaules, il faut vite trouver les dosettes salvatrices. D’une main maladroite prendre la bonne seringue et avec ce qui reste de tête disponible, calculer la bonne dose. Puis revenir près de Charles. Il avale ce nectar sauveur par la bouche ou parfois par sa stomie. Ce breuvage puissant va essayer de le soulager et d’endormir ses douleurs. Après quelques instants et assez rapidement une sorte d’apaisement est visible. Ensuite, il s’avachit sur notre lit, ou sur le canapé ou dans une confortable bergère de tout son poids. Parfois, il se love sur mes genoux comme un chat. Il semble lourd, très lourd. Il tombe dans une espèce de somnolence que rien ne perturbe. Nous viendrons régulièrement vérifier que son cœur bat bien. Nous sommes alors, et comme à chaque fois secoués, déchirés à l’intérieur de nos entrailles par l’impuissance à pouvoir prévenir ces horribles et terribles douleurs. Nous sommes anéantis par tant de violence. Nous sommes vidés par la pression qu’exercent sur nous toutes ces scènes. Cette souffrance imprévisible et présente depuis presque 13 années est tellement injuste et mystérieuse.

 

Être témoin  et en même temps si impuissant face à l’absence de traitement

Nous sommes pris en otage dans l’angoisse de la prochaine crise, sur le qui-vive. Nous sommes tellement secoués, voire ébranlés, que nos cœurs souffrent aussi. Selon les circonstances, pour faire face nous tombons nous aussi dans un fauteuil et sommes inertes, ou nous regardons un film comme pour oublier, ou alors subitement je m’affaire à ranger un tiroir qui attendait mon attention depuis longtemps déjà et qui pouvait bien sûr encore attendre. Je suis alors prise d’une frénésie à ranger, à classer, à trier comme pour occuper mes pensées et oublier l’horreur du moment. Puis un sentiment de honte jaillit comme si ce n’était pas bien de ranger et que mon devoir serait d’être à côté de Charles. C’est souvent impossible de le prendre dans mes bras , de le câliner dans de pareilles crises. La douleur met alors une distance. Elle sépare. Lui prendre la main et lui transmettre l’énergie qui nous reste à cet instant là est souvent la bonne solution. Cela est très difficile car nous nous sentons vide de tout. Un vide immense tellement surhumain. Il est incroyablement intolérable d’être le témoin de tant de douleurs encore et toujours. Seule notre présence attentionnée et pleine d’Amour remplit la pièce. Parfois ce cri se prolonge dans l’immensité du silence de ma nuit car mon sommeil – ô combien malmené – est devenu léger comme une plume… Ce lien maternel viscéral, au plus profond de moi est ancré à jamais. Il surgit dans un élan, comme le moteur des attentions qu’une mère veille à la protection physique et morale de la chair de sa chair : L ‘Amour inconditionnel.

 

Se frotter aussi souvent à la souffrance d’un enfant qui n’ a rien demandé est irrationnel. Hors du commun. Rempli de mystère.

De l’insupportable à toucher les étoiles

Toutes les journées de Charles depuis sa naissance sont ponctuées de douleurs inhumaines et d’une souffrance sans nom. D’abord ses réveils puis ses soins durant les matinées sont ordonnancés tel un rituel avec des gestes précis et pensés. Ensuite par une incroyable force il passe à une vie presque normale. C’est bien là qu’il force notre admiration et en même temps leurre son monde qui ne peut imaginer par quelles tortures il a pu passer. Charles a souvent besoin d’un temps de repos pour encaisser le choc. Plus la journée avance et plus il retrouve une énergie vitale cependant de moins en moins palpable depuis ces derniers mois.
la tristesse s’installe dans la maison et pourtant il demeure nécessaire de continuer à vivre pleinement avec ce goût acre et amer dans la bouche. Dans le champ des possibles quelle alternative s’offre alors nous ? Pourtant, nous reprenons nos activités du quotidien et avançons sur ce chemin sans issue, ou parfois nous restons simplement à côté de Charles… pour être pleinement présents

A chacun ses réactions singulières
Ce chemin si escarpé et semé d’embûches à enjamber, à détourner. Parfois l’embûche est profonde et nous glissons, nous tombons même très bas. Heureusement une force bien cachée au fond de chacun nous permet de nous relever et chacun à sa manière.

Ce n’est, hélas pas fini pour moi. La violence me poursuit jusque dans l’arrière cuisine où je récupère le linge souillé. Ce dernier est le reflet des nuits d’horreur, trace permanente d’une plaie sans fin… Mon propre combat démarre alors puisque je ne peux déléguer la gestion du linge souillé. Je prends son linge durci par les exsudas des plaies… tel du carton pâte… Je vois alors des taches sombres sur ses vêtements qui dégagent régulièrement des odeurs fétides. Cet ensemble me submerge, tellement c’est insensé. Je plonge ce linge dur dans l’eau claire . Elle devient rouge vif… une vision juste insupportable pour une maman.

Son grand frère, Stanislas, arrive toujours à nous prendre par la main et nous offre son rire et ses blagues auxquels nous nous accrochons telle une bouée de sauvetage. Il nous emmène alors sur les chemins de l’humour. Merci Stanislas, tu es un sacré bonhomme. Bravo à toi !

Notre soupape, notre force, notre humanité résident à rendre les moments simples de la vie aussi beaux que possible. Après tant d’horreur et à l’extrême nous allons chercher le BEAU. Nos sens ont été maltraités alors il est nécessaire de se rattraper. A la recherche de réconfort et de douceur absolue, nos sens vont s’exacerber ne voulant perdre aucune miette, aucune goutte, aucun plaisir même tout petit. Alors, écouter une belle musique, goûter un bon mets, déguster un excellent vin, mettre une belle table, allumer une bougie, regarder un beau bouquet de fleurs, mettre un pull en cachemire pour y trouver la chaleur nécessaire, observer le feu qui crépite et les flammes danser, caresser nos minettes, se parfumer pour s’évader loin, écouter, regarder et respirer la vie pleinement à cet instant présent.
Une disposition au plus profond de nous vient transcender l’inacceptable. Nous cherchons alors à nous nourrir par du beau. C’est salvateur .

Ces moments simples de convivialité prennent alors un goût d’intensité semblable à l’éternité et nous permet ainsi de toucher les étoiles.

Le mouvement de la vie retentit et sonne comme un glas. Notre humanité s’exprime alors avec profondeur.

 
 

Emmanuelle Rousseau

La baule, janvier 2020

Auteur de « Drôles de bulles » aux éditions Salvator
http://www.drolesdebulles.fr/

 

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