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Etre la maman d’un enfant atteint de maladie rare, chronique et sans traitement
Oser, tendre la main pour être aidée

Si tu n’en peux plus, alors demande de l’aide ! s’exclame mon amie.
Et je rétorque :
– Alors vraiment, c’est pas possible…
Je reste alors songeuse car au fond de mon cœur j’ai très envie de réclamer cette aide salvatrice. Aussi je réfléchis, puis je constate que ce petit pas de côté n’est pas si facile pour moi. Et oui, chacun se construit selon des messages éducatifs entendus et répétés pendant l’enfance puis l’adolescence. Pour ma part, deux de ces messages récurrents  : « se méfier des autres car il y a souvent un piège » ou « c’est une source de complications ». 
Une partie de ma vie a donc reposé sur ces croyances familiales. Avec le temps, j’apprends à regarder le verre à moitié plein, et reconsidère certaines croyances bien limitantes.

Déjà à quelques mois

Très vite après la naissance de Charles, lors d’un énième séjour au CHU, nous avons osé demander de l’aide. Aujourd’hui, je me félicite de cette démarche, certes rémunérée, qui sera le premier pas vers une seconde nature. Cette première fois, Charles avait cinq mois et, déjà, la fatigue de cet ouragan dans lequel nous étions se faisait ressentir. Aussi, pour cette hospitalisation fin août, il avait contracté la varicelle, et je me suis autorisée à rentrer dormir à la maison pour récupérer. Je pressentais que j’avais besoin de toutes mes forces pour continuer ce chemin si escarpé et affronter ces montagnes russes. Alors nous avons embauché une étudiante sage-femme pour rester la nuit auprès de lui. L’aberration de l’architecture hospitalière ne permet pas aux infirmières d’entendre les enfants pleurer depuis leurs postes de soins ou si elles sont dans une autre chambre. Cela exige qu’ils soient en capacité d’appuyer sur la sonnette, or un bébé ou les tout petits ne peuvent que pleurer pour alerter d’une difficulté.

 

Les soins même le week-end

Au bout d’une année, pour assurer les soins du samedi matin, nous avons fait appel à une étudiante infirmière. Elle s’occupait de l’ensemble de sa réfection complète de ses pansements. Quelle richesse pour elle ! Son mémoire de fin d’étude a porté sur les soins à domicile chroniques. Ce temps volé à la maladie nous permettait ainsi à nous parents de faire autre chose comme d’être avec son frère aîné puis de retrouver notre enfant dans de bonnes dispositions.

 

Nos escapades loin de la maison et la maladie toujours présente

Nous avons aussi embauché des infirmières pour nous accompagner lors d’un séjour de neuf jours à Cap Benat puis lors d’un pèlerinage de quatre jours à Lourdes. La démarche n’est pas anodine. D’abord, écrire nos besoins, passer une annonce puis recruter… Finalement, peu de candidatures en raison de la situation complexe et hors du commun. Heureusement, une seule réponse suffit pour que l’aventure se réalise. À chaque fois, nous voulions rester loin des soins infirmiers afin de nous recentrer sur notre rôle de parent et surtout pour avoir l’énergie de faire des choses anodines et en même temps  extraordinaires dans notre contexte. À chaque séjour, ce fut une réelle réussite et tout le monde y a gagné. Elles en début de carrière se confrontent à une maladie chronique sans traitement, ce qui à l’avantage,  pour nous de profiter pleinement de cet espace de liberté ou de vaquer à nos occupations.

 

C’est assez spectaculaire tous ces pansements à découper, c’est une chaîne sans fin

Pendant de nombreuses années, j’ai découpé seule l’ensemble des pansements sans cesse en évolution, pourtant  indispensable aux soins quotidiens. Hélas, ce moment devenait lourd et pénible alors le transformer en un temps de papotage entre copines semblait une solution. Aussi j’ai eu la bonne idée de convier des amies à partager ce récurrent labeur. Je préparais alors un gabarit pour chaque plaie à recouvrir ou chaque zone à protéger. Ce fut une excellente idée pour plusieurs raisons : ma solitude était rompue puisque je retrouvais régulièrement ce groupe d’amies, et leurs consciences s’éclairaient puisqu’elles pouvaient ainsi prendre la mesure réelle de la situation. Alors cette corvée devenait un temps de convivialité où le rire avait toute sa place. 

Des voyages, uniquement avec notre fils aîné

Lorsque nous partons une semaine chaque année pour offrir à Stanislas un vrai temps de vacances, nous sollicitons nos amis qui soit rendent visite à Charles à l’ESEAN*, soit grâce à une permission vont se promener avec lui. Charles découvre alors d’autres façons de vivre, il expérimente d’autres situations pour lesquelles je suis parfois frileuse ou bloquée par la peur ou le manque d’insouciance. C’est finalement stimulant. Si mes amies y arrivent alors pourquoi pas moi ? Je m’autorise alors à plus de défi.

 

Les perpétuels allers-retours, maison / ESEAN / maison

Nous sommes heureux d’avoir pu nous dégager de certaines conduites automobiles entre l’ESEAN et notre maison. Ce trajet aller et retour prend effectivement une bonne heure et demie. Grâce à un groupe d’amis et à l’aide d’un doodle, chacun s’inscrit à la date de son choix et ses possibilités sur un planning de trois mois. Nous apprécions vraiment cette aide. Charles est ravi de voir nos amis que nous ne voyons pas beaucoup par ailleurs. Cela nous libère d’une contrainte et nous permet de nous consacrer à d’autres pans de sa prise en soin comme tout l’administratif ou la gestion des médicaments. Ainsi nous sommes pleinement disponibles à Charles lorsqu’il rentre à la maison. Quel soulagement d’avoir réussi à déléguer toutes ces conduites !
Évidemment, c’est compliqué de confier son enfant si fragile et hors norme. C’est s’autoriser à faire confiance  aux autres. C’est aussi  faire confiance à son propre enfant devenu adolescent. C’est accepter aussi les façons de faire autrement. C’est tout un chemin à apprivoiser qui se construit un pas l’un après l’autre  et un peu plus chaque année. Ma plus belle récompense est d’avoir osé. Tous ces projets sont de belles réussites qui nous aident à lâcher prise un peu plus. Oser la confiance et l’abandon sont des clés pour tenir dans la durée.

Que risque-t-on à oser demander ?
Un refus et alors ce n’est pas grave c’est un simple NON. Le plus souvent, nous sommes très surpris et heureux d’obtenir un OUI.  Et même un seul suffit.
Alors, osez demander car de belles surprises vous attendent !

* Légende :  Etablissement de Soins pour Enfant et Adolescent Nantais – Soins de Suite et de Réadaptation

 

Emmanuelle Rousseau

Nantes, Mars 2022

Auteur de « Drôles de bulles » aux éditions Salvator
http://www.drolesdebulles.fr/

  

1 commentaire pour “Etre la maman d’un enfant atteint de maladie rare, chronique et sans traitement
Oser, tendre la main pour être aidée”

  1. Chère Emmanuelle,
    Bravo d’oser demander 👏 et de nous partager votre Vie si singulière qui nous interpelle avec beaucoup d’émotions.
    Quelle charge mentale lourde à porter.
    Je suis admirative de ta force combative.
    Chapeau bas pour ton rôle de chef de projet que tu occupes avec brio et rigueur depuis 15ans. Tout en conservant ton cœur ♥️ aimant et digne de maman.
    Avec un sourire réconfortant, des idées de génie et l’envie d’élever le regard de ta sympathique tribu sur le monde artistique, culinaire, ….
    Je t’embrasse bien chaleureusement ma bonne amie 😘

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