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Un rêve fou pour Charles, atteint d’une maladie rare chronique et sans traitement
La rencontre avec Stromae en 2014

En août 2013, Charles et Stanislas ont découvert le chanteur Stromae. Ils en sont devenus fans assez vite, surtout Charles avec ses deux complices de l’ESEAN. Ils ont dansé sur Stromae presque tous les jours de 17 heures à 18 heures, encadrés par un animateur dans l’activité physique adaptée.

 

La soirée du 31 décembre 2013 a été presque exclusivement consacrée à Stromae lors du réveillon à la maison ! « L’effet Stromae » est aussi performant que la morphine que Charles prend quotidiennement. Charles a alors évoqué son rêve de rencontrer ce chanteur.

Un rêve à la hauteur de Charles

 

Avec Olivier, nous avons pris la demande de Charles très au sérieux. Mon mari a écrit une lettre que nous avons envoyée très rapidement à l’Association Petits Princes. À ce moment-là, j’avais l’impression d’être dans le film de Nils Tavernier, De toutes nos forces. C’était bien vrai.

La réponse est tombée. La messagerie téléphonique nous a indiqué que la commission avait retenu la demande de Charles. Nous étions aux anges. Un peu vite car oui, Charles était bien élu Petit Prince : une marraine lui serait attribuée et un de ses rêves allait pouvoir être réalisé. Sauf que l’association évitait les rencontres avec les stars – trop compliquées, aléatoires et souvent longues à mettre en œuvre. Déception ! Nous allions devoir chercher d’autres rêves. Or Charles répétait en boucle qu’il souhaitait rencontrer Stromae.

À notre surprise à tous, Olivier a décidé de mobiliser une grande énergie pour réaliser ce rêve. Il a surfé sur internet et trouvé la liste des festivals où Stromae chantait cet été-là. Puisqu’une salle de concert n’est pas vraiment indiquée pour les oreilles fragiles de Charles, même avec un casque, ses recherches l’ont mené à s’intéresser au festival de Poupet, le 17 juillet, à moins d’une heure de Nantes.

 

Un coup de fil comme un sésame

Dans les archives du web, il était indiqué qu’Elton John y avait participé l’été dernier et avait été hébergé et accueilli pour son concert par le château de la Barbinière. Seul ce lieu pouvait accueillir plus de 25 000 personnes. Les autres concerts se déroulaient à Saint-Malo-du-Bois, antre du festival de Poupet. Armé d’une grande volonté, Olivier a joint la propriétaire du château. Avec internet, on sait tout sur tout !

Quelle surprise ! Cette femme était une ancienne infirmière et connaissait la maladie de Charles, ce qui est extrêmement rare. Séduite par le projet, elle nous a affirmé que Charles rencontrerait Stromae, puisqu’il logerait chez elle au château. Fin mars, un dimanche, nous nous sommes rendus sur les lieux pour faire connaissance. Le courant est passé. Charles n’était évidemment au courant de rien.

 

Château de la Barbinière

Le 15 juillet, je lui ai annoncé la grande nouvelle. Il n’en croyait pas ses oreilles et paniquait à l’idée de se trouver face à son idole.

Le matin du 17 juillet, le thermomètre indiquait 37 degrés. Pas de chance ! Nous avions fait attention à bien hydrater Charles toute la journée. Vers 17 heures, nous avons pris la direction du Château de la Barbinière.

En arrivant à Saint-Laurent-sur-Sèvre, la propriétaire nous a ouvert le chemin et nous avons suivi en escorte la Mercedes du staff du festival ! Un laissez-passer était collé sur notre pare-brise et nous avons mis à nos poignets un bracelet. C’était notre fameux sésame VIP. Nous avons garé notre voiture au pied du château, et là déception. Notre hôte nous a annoncé que l’équipe des régisseurs (Thomas et Coralie) de Stromae était formelle : il n’y aurait aucun contact. Il ne devait rencontrer personne.

 

Un jeu de cache-cache

Déjà, dans le milieu de l’après-midi, la propriétaire avait eu une conversation avec Stromae au sujet du château et elle s’apprêtait à lui exposer notre requête lorsque son régisseur s’est interposé, lui signifiant qu’elle n’avait rien à lui demander en direct. C’est lui seul, le régisseur, qui en décidait. Le ton était donné ! La propriétaire et moi sommes convenues qu’il fallait toujours tenter. Nous nous sentions toutes les deux prêtes à élaborer des plans de dernière minute. Dans la situation de Charles, il faut rajouter de la vie aux années et non des années à la vie.

Nous avons aperçu Stromae à la piscine. L’idée nous est venue d’aller marcher de ce côté-là pour improviser une rencontre fortuite. Hélas, le régisseur nous a vus et a décidé Stromae à regagner sa chambre en passant par les cuisines du château afin de nous éviter. Charles voulait simplement le croiser, pas l’importuner.

Les deux régisseurs se sont dirigés vers nous et nous ont expliqué que Stromae ne rencontrait personne. Qu’ils recevaient des milliers de demandes et ne voulaient en favoriser aucune. Bref, un discours stérile digne d’handicapés du cœur. Olivier leur a demandé si dans ce cas Stromae pouvait apposer un autographe sur le joli montage photo esthétique réalisé en souvenir, et si nous pouvions lui remettre un courrier expliquant la vie de Charles ainsi qu’un de mes sacs, que Charles tenait à offrir à son idole. Nous avons enfin entendu un « oui, c’est possible ». Charles était un peu déçu, mais pas plus. Du coup, la propriétaire lui a proposé un tour en hélicoptère au-dessus du festival et de la propriété. Quelle chance !

Nous sommes allés nous restaurer à l’orangerie et avons retrouvé toute l’équipe du festival. Nous ne connaissions personne, mais tout le monde nous connaissait ! Chacun s’est adressé à nous pour savoir si Charles avait enfin pu rencontrer Stromae. De beaux échanges vrais et sincères autour de Charles et de sa terrible maladie. Comme il faisait chaud, il était en chemise à manches courtes et en short. Ses bandages étaient donc bien visibles. De plus la plaie sur son front ne cicatrisait pas et un beau pansement la protégeait. Nous avions pris son vélo, Charles pédalait non-stop autour de l’entrée du château tout en scrutant très poliment les allées et venues de Stromae. Il l’a aperçu en train de déjeuner dans la salle du restaurant et dans sa chambre à l’étage. Bien entendu, Charles avait demandé l’accord du régisseur Coralie. Du coup, à chaque tour de vélo Charles a entamé une très longue conversation avec elle, puisqu’elle nous a remis la dédicace signée. Charles est alors heureux. Il continue à poser plein de questions à Coralie concernant Stromae. Et là, nous avons constaté qu’elle semblait sensible au charme de Charles et que ses questions l’interpellaient. Nous avons rediscuté ensemble de la vie de celui-ci. Je sentais une nouvelle écoute s’installer.

 

Un moment improbable et magique !

Nous avons regardé nos montres : 21 h 50. Alors, elle nous a signalé que Stromae allait entrer en scène. Nous nous sommes dirigés vers la porte du château et là nous avons vu tous les musiciens sortir et s’installer dans la Mercedes. Puis l’artiste est arrivé, qui fermait le rang. Charles, chanceux, se trouvait à ce moment précis à trois mètres devant la limousine. Stromae ne pouvait que le voir. Il a hésité à rentrer dans la voiture, il a regardé Charles ; nous avons lu nettement sur son visage : « Je ne peux pas ne pas aller le voir. » Il s’est alors dirigé vers Charles en le nommant. Il lui a fait un bisou et a posé pour la photo à ses côtés, afin d’immortaliser l’instant. Ils ont échangé quelques mots.

 

À la demande de Charles, Stromae a fait un saut en l’air, puis il s’est engouffré dans la voiture, direction la scène. Le régisseur Thomas nous a fusillés du regard. Il avait l’air furieux. Charles était aux anges. Tout se bousculait, nous réalisions que le concert allait commencer dans quelques minutes et que les 28 000 personnes attendaient, mais nous étions toujours devant la porte du château. Nous avons rangé son vélo dans le coffre et sorti le fauteuil roulant.

C’était complément fou, nous allions traverser cette foule en délire, la propriétaire et moi, frayant un chemin de passage au fauteuil de Charles qu’Olivier poussait. Un moment complètement surréaliste. Nous sommes arrivés devant la scène, face aux barrières, pour réaliser que ce n’était pas idéal pour Charles, puisqu’il était assis et donc trop bas, littéralement encadré d’adultes debout. Les services de sécurité nous ont donc hissés pour que nous franchissions ces barrières avec Charles dans son fauteuil. Du jamais vu ! Le plus extraordinaire : il n’est rien arrivé à Charles. Miracle ! Le régisseur Thomas nous a interdit de rester juste devant alors nous nous sommes décalés sur le côté, à quelques mètres mais devant les barrières. Nous étions ainsi protégés de la foule et c’était l’essentiel. Coralie avait donné à Charles le story-board du concert. Alors Charles a chanté et dansé, confortablement installé dans son fauteuil, tout le répertoire de Stromae. Il était heureux comme jamais, en osmose totale.

Un peu avant minuit, le concert s’est achevé et Stromae a remercié ses musiciens. Lorsque subitement nous l’entendons dire : « Je fais un bisou à Charles, un petit garçon très courageux ! » Quel Maestro ! Une dédicace orale finale devant 28 000 personnes.

Merci, merci, merci à toute l’équipe du festival de Poupet. Charles a trouvé que c’était le paradis, dans ce beau site du château de la Barbinière, un vrai havre de paix. À l’issue de ce moment si intense, Charles nous  confie que c’est comme si une partie de sa maladie avait sauté comme le bouchon d’une bouteille de champagne. Formidable !

Je remercie Olivier, sans qui ce rêve n’aurait jamais existé, et aussi Brigitte qui a su ouvrir la porte. Charles peut être très fier de son Papa et heureux de toutes les rencontres qu’il réalise au fil du temps ; de ces personnes qui lui expriment toutes leur soutien en n’étant pas dans le déni face à sa vie.

Emmanuelle Rousseau

Nantes, Juillet 2014

Auteur de « Drôles de bulles » aux éditions Salvator

http://www.drolesdebulles.fr/

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